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Le cri du menhir
20 novembre 2008

Morgane

Gu_naneJ’ai connu Brocéliande, il y a bel âge, dans toute sa sauvagerie sans balise. Elle m’envoûta, affola ma boussole, m’apprit que même mortes les amours mordent. J’ai aussi longuement fréquenté les romans du cycle breton, du cycle d’Arthur.

 

Les fées bretonnes ne sont jamais des dames-comme-il-faut (sinon, qui s’en soucierait !) et Morgane est sans doute la plus sulfureuse. Elle n’est ni... ni... Elle est mi... mi... Insaisissable, elle est femme !

 

Sur mon arbre généalogique aux trois-quarts ébranché, est venue se greffer une Morgane, une grande liseuse aux yeux étranges, anglaise de naissance et d’imagination.

 

La mise en mots fut simple. De belle et folle humeur, oyez, oyez, liseurs, le cri muet du menhir !

Guénane.

 Morg_0couv

 

Au XII ème siècle, dans les cours royales, se mit à fleurir un nouveau plaisir : le roman. Un récit où se mêlent l’art de la guerre et l’art de l’amour, la prouesse et la courtoisie, l’aventure guerrière au service du tourment de l’amour.

 

Morg_1Une petite fille lisait… Lisait… À toute heure, en tout lieu ; un livre est un nuage, un tapis volant. Morgane aux yeux vert-doré-métal découvre les récits de la Table ronde, les chevaliers d’Arthur roi des Bretons.

 

Entre deux chevauchées, deux sortilèges, Morgane, la sœur d’Arthur aussi lisait… Lisait… Morgane, c’est tout un roman cette fée ! Une Bretonne énigmatique, une fée différente qui enflamme l’imagination, une fée qui reste femme et pleure, de rage et de douleur, son amour impossible. Son regard est si pénétrant que parfois il fait peur. Les corbeaux sont ses amis, ils lui montrent le chemin, les hiboux lui caressent la joue. Un bruissement d’ailes précède toujours son apparition.

 

La Bretagne est terre de songes. Elle plonge dans la mer à une extrémité du monde ; un pas de plus et c’est l’abîme, l’océan où le soleil meurt. Tout son cœur était autrefois occupé par une forêt profonde et périlleuse, Brocéliande, “brousse et lande”, une forêt envoûtante où se cachent des étangs d’eau sombre recouverts de mousse si épaisse que le pied s’enlise s’il n’y prend garde. Cette forêt camoufle aussi la fontaine de Barenton où l’on arrive après “moult sentes épineuses et perfides” ; son eau froide bout et quelques gouttes éparpillées sur la margelle suffisent à déchaîner d’effrayants orages.

 

Si un voyageur s’égare, les arbres se rapprochent et lui barrent le passage ; s’il est un homme au cœur volage, il restera captif du Val Sans Retour, le val enchanté par Morgane. Chaque matin, Morgane se regarde dans le Miroir aux Fées, un étang que ne ride aucune brise ; elle contemple son image que le temps n’altère pas ; belle et lisse comme le miroir. C’est une fée qui aime l’aube mais attend ses proies dans l’ombre ; une magicienne un peu sorcière qui, en beauté et en puissance, dépasse toutes les autres fées. Elle connaît l’art de changer d’aspect, de “semblance”, et les vertus médicinales des plantes. Elle fut l’élève de l’enchanteur Merlin qui, toute sa vie, se tint prêt à intervenir s’il prenait à Morgane folie d’abuser trop de ses pouvoirs.

 

Morgane, maîtresse des vents, déclenche parfois dans sa fureur des tempêtes aussi fortes qu’elle. À l’aube, sur le sentier côtier, elle dut freiner son cheval blanc ; le vent s’engouffrait dans son long manteau noir et, face au large, dans les rafales, elle hurla :

- Pourquoi le plus grand, le plus beau chevalier du monde ne m’aime-t-il pas ?

Elle parle de Lancelot, celui dont les qualités morales sont aussi impressionnantes que sa force physique. Un chevalier irréprochable pourtant entaché d’un péché irréparable : il aime Guenièvre, la femme du roi Arthur ; un amour fulgurant, à la seconde où il la vit, et Morgane la superbe le laisse indifférent. La jalousie mine Morgane. Malgré ses pouvoirs, elle ne peut supprimer Guenièvre, non parce qu’elle est la femme de son frère, mais parce que Merlin le lui interdirait. Elle porte au doigt l’anneau de l’Enchanteur, l’invisible qui la surveille.

 

Morgane la fée, piquée par le sable et les embruns, n’est plus qu’une femme, d’autant plus amoureuse que Lancelot lui résiste. Elle s’était pourtant jurée de ne plus tomber dans ce piège. Elle avait déjà aimé un beau jeune homme, Guyomarch qui, passé le temps des mille jours de la passion, l’avait délaissée. Morgane avait juré de haïr tous les hommes, jusqu’au jour où elle croisa Lancelot.

 

Comment Morgane, dont la beauté laisse coi de stupeur, peut-elle supporter l’indifférence de Lancelot, le premier chevalier du monde ? Aucune magie ne peut agir, alors elle complote. Pour se venger de tous les hommes, elle enchante une vallée, Le Val Sans Retour, surplombé par le rocher des Faux Amants, où elle retient prisonniers tous les amants mal aimants.

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Dans son château de pierre violette, depuis déjà plus de deux hivers, elle séquestre aussi Lancelot. Un jour qu’il errait dans la forêt, elle l’attira dans ses rets. Morgane connaît bien les vertus des plantes et peut être à la fois une dangereuse ensorceleuse ou une sage guérisseuse. Elle sait préparer un mélange qui ôte de la tête la démence ; des onguents qui réparent les blessures en une semaine, à condition de frotter toujours dans la direction du cœur. Elle prépara pour Lancelot une boisson délicieuse qui lui retira toute force et l’endormit. Puis, elle emplit une canule d’argent d’une poudre spéciale qu’elle lui souffla par le nez jusque dans le cerveau. Pendant tout un mois, elle se délecta de ce Lancelot docile, enivré, somnolent, bien décidée à laisser croupir dans cette chambre le plus beau, le plus valeureux chevalier du monde qui ne voulait pas l’aimer. L’amour ne s’explique, il échappe à toutes les magies parce qu’il est magique.

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Par l’une des fenêtres de fer, un matin, il aperçoit un vieil homme qui peint une fresque sur un mur, le périple du prince Enée de Troie jusqu’en Italie. Lancelot l’envie, l’appelle, lui demande des pinceaux et des couleurs que le peintre lui cède volontiers. Il commence, sur les murs de sa chambre, à dessiner sa vie, avec une telle minutie et ressemblance qu’il s’en étonne lui-même. Il peint son arrivée à la cour d’Arthur, les grands tournois où il fut vainqueur, les grands rassemblements de la Table Ronde et surtout son éblouissement chaque fois qu’il revoit Guenièvre.

 


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Morgane, la nuit, épie. Elle aime Lancelot d’un fol amour, incomparable, absolu, mais quand elle voit la reine sur les murs, sa souffrance s’avive. Elle pourrait tromper Lancelot en prenant les traits de Guenièvre, mais ce serait pis encore de penser qu’il l’aimerait en désirant une autre. Alors elle se contente de contempler le bel endormi et de suivre l’évolution des peintures. Elle ignorait que le désarroi amoureux puisse donner autant de talent. Elle ne l’en aima que plus, décidée plus que jamais à le garder prisonnier tant qu’il n’aura pas tout avoué sur les murs. Quand elle souffre, Morgane trame des plans maléfiques.

Ainsi Lancelot ne vit plus passer les saisons, et les yeux de Morgane chaque nuit jouirent de la présence du chevalier doué en tout.

 

Morg_7L’absence prolongée de son meilleur chevalier inquiète le roi Arthur, et Guenièvre endure les pires maux, oubliant même le boire et le manger de tant de souffrance contenue. Morgane la mal aimée sourit. Quand elle visite son frère, elle fait très bien semblant de tout ignorer, de compatir, d’interroger les astres, d’implorer les ancêtres, se délectant au fond d’elle-même de sa perfidie. La jalousie de Morgane n’a que faire de la morale.

 

Tous les chevaliers dépêchés par Arthur pour retrouver Lancelot, tous grands seigneurs infidèles, tombent dans le piège doré du Val Sans Retour. Là, tout n’est qu’élégance, luxe, raffinement. Tout captif est accueilli magnifiquement, les serviteurs sont nombreux, musiciens et danseuses ne manquent, ni les jeux, tout est appât dans le jardin des délices. Morgane a prévu une chapelle, mais la fine fleur de la chevalerie oublie de la fréquenter, préférant se vautrer dans la vie oisive et confortable.

 

Morg_8Morgane constate qu’un homme est toujours aussi lâche que preux. Tous ces braves renoncent vite à s’échapper, car elle a l’art de leur faire prendre pour des flammes les rayons du soleil, pour des monstres les oiseaux, pour des murailles les rochers. Ils prennent ces cauchemars pour des réalités. Aucun ne regarde vraiment, il lui est aisé de berner tous ces vaillants chevaliers qui n’osent pas affronter ses sortilèges.

 

Morgane jubilait quand elle sentit l’anneau de Merlin se resserrer sur son doigt ; elle le retourna et reconnut la voix de l’Enchanteur :

- Il suffit, Morgane, n’outrepasse pas les limites ! Ce que tu fais subir à ces nobles chevaliers n’est pas pour me déplaire, cela leur ouvrira les yeux, mais je t’empêcherai de porter atteinte à la puissance du plus grand des rois en les retenant captifs ; ce destin-là, Morgane, n’est pas entre tes mains !

 

Morgane ricane, retourne l’anneau. Merlin, son maître, bien que fils du diable est toujours du côté des bons, des malheureux, il lui a tout appris et sait la soumettre ; elle est vaincue, elle enrage.

 

 

Peu après, Viviane, à qui Merlin remit par amour tous ses dons et qui avait élevé Lancelot au fond d’un lac, donna pouvoir à l’une de ses disciples ; celle-ci endormit la forteresse de Morgane et délivra Lancelot, lequel dut ensuite vaincre tous les sortilèges du Val Sans Retour. Il était urgent de libérer les compagnons d’Arthur, car le grand roi avait de nombreux ennemis haineux.

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Ce fut une rude épreuve pour Lancelot, mais lui sait voir, discerner, affronter. Il a appris avec la Dame du Lac, l’art de faire disparaître les illusions qui peuvent troubler le jugement ; le courage de Lancelot abolit les terreurs imaginaires.

 

Morg_11Les sept portes s’écroulent une à une quand il étend la main, puis, d’un coup d ‘épée il fend la palissade de fer, coupe la tête des sept serpents à la langue de feu qui gardent la fosse ; il l’enjambe, se retrouve sur un chemin étroit où l’assaillent des nuées de crapauds hideux aux yeux de braise ; il les écrase et le sol devient tapis de bruyère. Alors il tranche la gorge des chiens qui ne sont que crocs et griffes pour le déchirer, il transperce un géant monstrueux haut comme moulin à vent. Chaque fois qu’il affronte, tranche, transperce de son épée, tout s’évanouit, le paysage retrouve ordre et silence ; la muraille de flammes, dernier obstacle, de même s’éteint.

 

Alors il aperçoit ses compagnons enivrés, somnolents, joueurs débauchés, plus fantômes que chevaliers. D’un coup d’épée encore il leur rend conscience et ils reprennent promptement le chemin de la forêt et de la cour.

 

Morg_12Lancelot, assis sur un rocher, contemple le val paisible où s’égosillent les oiseaux. Il sent un souffle, un bruissement d’ailes et brandit son épée. Apparaît Morgane sur son cheval blanc, drapée dans son long manteau noir.

- Ce ne pouvait être que toi, mais je pense si peu à toi, je n’ai même pas songé que toi seule pouvais être l’auteur de ces manigances diaboliques.

- Moi, j’aurais dû savoir que tu étais le seul capable d’anéantir mes sortilèges, toi, l’homme d’une seule femme ! Dire qu’ensemble nous serions le couple le plus beau, le plus fidèle, le plus puissant !

Ensemble… Ce mot impossible la déchire. Son regard perce, irradie, insoutenable, mais Lancelot ne cille pas, il sait lire aussi dans les yeux de Morgane la souffrance d’une femme.

 

Morgane éperonne son cheval. Lancelot, figé, les regarde s’éloigner, impressionné par la force d’amour des femmes.

 

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C’est dur d’abandonner un rêve, surtout pour une fée, et Morgane déteste échouer. Elle a perdu Lancelot, mais il lui reste la chambre aux images.

 

Au cours d’une chevauchée, le roi Arthur et sa suite se perdirent en forêt. Toutes les forêts d’alors étaient des labyrinthes périlleux, surtout la nuit, autant dire les ténèbres. Ils s’apprêtaient à faire halte jusqu’à l’aube, quand ils entendirent, assez près, sonner par deux fois le cor. Arthur délègua un chevalier dans cette direction ; il se retrouva devant un château où il fut très aimablement reçu. La dame des lieux l’invita à rejoindre le roi qu’elle souhaitait recevoir de son mieux.

 

Arthur découvre une somptueuse demeure très éclairée par des milliers de cierges. La maîtresse du château est entourée d’une centaine de dames et chevaliers richement parés qui s’écrient d’une seule voix : “Soyez ici le bienvenu, car jamais nous n’eûmes plus grand honneur que celui que vous nous faites en acceptant de vous arrêter ici.”

 

Tout n’est que luxe, or, argent, et succulences. Après dîner, fatigué par sa chevauchée, le roi est “convoyé” dans une chambre par deux damoiselles délicieuses et vite il s’endormit.

 

Sous un aspect différent, la maîtresse des lieux n’est autre que Morgane et Arthur dort dans la chambre aux images. Déloyale peut-être la belle femme-fée, mais elle sait ce qu’elle fait.

Morg_14Au matin, très tôt, elle se rend auprès du roi, le pressant de rester quelques jours.

- Sire, aucune demeure au monde ne désira plus vous recevoir.

- Dame, qui êtes-vous ?

- Sire, je suis votre “charnelle amie”, votre sœur Morgane, et vous devriez me connaître mieux que vous ne me connaissez.

Alors il la reconnut.

- Je vous croyais disparue et vous retrouve plus belle que jamais ! Je vous emmène avec moi à Camaalot, Guenièvre sera ravie que vous lui fassiez compagnie.

- Non mon frère, plus jamais je n’irai à la cour ; quand je partirai d’ici, j’irai en l’île d’Avalon.

 

Ils ont tant à se raconter que peu à peu le soleil éclaire toute la chambre. Le roi distingue alors toutes les peintures sur les murs et lit les mots qui les accompagnent. Toutes les histoires des chevaleries de Lancelot surgissent dans la lumière et, par-dessus tout, son amour pour Guenièvre. Arthur, qui avait des soupçons ne peut plus avoir de doute. Il prie Morgane de lui avouer qui en est l’auteur.

- Sire, que me demandez-vous là ? Si je vous le disais, l’auteur de ces peintures me tuerait !

- Au nom de Dieu dites-le moi et je vous protégerai !

Morgane espérait cet instant. Elle raconta la belle histoire, comment elle retint le chevalier un an et demi dans cette chambre et comment, par détresse, il peignit “la fine amor” qu’il ressent pour la reine, la belle histoire d’un amour absolu que le roi appela “La trahison de Lancelot”.

 

Morgane triomphe. Arthur jure de laver sa honte, sa honte peinte sur les murs et Morgane la perfide se venge de celui qui ne lui offrit qu’indifférence, mais qu’elle continue d’aimer plus que tout ; une fée peut avoir des faiblesses.

 

Après bien des aventures, Guenièvre finira ses jours dans une abbaye et Lancelot dans un ermitage. Toute sa vie il restera en proie à l’enchantement amoureux du premier instant, Guenièvre demeurera l’unique dame de ses pensées.

 

Morgane fit comme elle avait dit : elle se retira en son château d’Avalon, un château étincelant sous les eaux où elle vit avec neuf fées qui sont ses disciples et ses messagères. L’île d’Avalon, c’est l’Autre Monde des Celtes, celui de l’Autre Vie, la vie après la mort.

 

Le roi Arthur eut toute sa vie de nombreux ennemis haineux et jaloux, les Saxons, les Pictes, les Scots, les Normands, les Danois… Sur la côte blanche d’Armorique eut lieu un fameux combat.

 

Le sol est recouvert de cadavres, les plus valeureux chevaliers ont péri. Arthur, âgé, est blessé à la tête, mais il remonte à cheval et galope droit vers la mer. Il ne veut surtout pas mourir devant ses ennemis. Il passe la nuit dans une chapelle, en pleurs et en prières.

 

Au matin, sur le rivage, il se défait de son épée et demande à un compagnon de la jeter dans un lac proche. Car, aucune main à sa mort ne sera digne de porter Excalibur ; elle fut fabriquée en Avalon et appartient à l’Autre Monde où elle retournera.

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Excalibur, la meilleure épée du siècle, bonne et belle, dès qu’elle touche l’eau est saisie par une main mystérieuse qui surgit du lac. Le roi reste seul sur la plage. Une grosse pluie bretonne commence “à cheoir moult grant et moult merveilleuse”. Alors, du milieu de la mer, sort de la brume une nef remplie de belles dames ; elle touche le rivage juste là où se tient le roi et, à bord, se trouve sa sœur Morgane ; en tirant son cheval, il entre dans la nef qui rapidement s’éloigne et disparaît au large.

 

Sur l’île d’Avalon, Morgane soigne son frère avec ses onguents magiques. Peu à peu il reprend forces et n’a plus qu’une pensée : retourner à la cour, retrouver les chevaliers. Le pouvoir lui manque, il sait que sans lui finira la chevalerie. Mais Morgane le fait garder jour et nuit par ses neuf fées. Elle a toute sa vie ressenti comme une blessure d’orgueil, la gloire et la puissance de son frère cadet. Elle entend bien le retenir auprès d’elle. Arthur, en secret, appelle son ami Merlin afin qu’il le libère de l’enchantement de Morgane.

Aussitôt, Merlin rejoint l’île d’Avalon. Il écoute Arthur le supplier de lui rendre son royaume.

- Pas plus que ta jeunesse, je ne le puis.

Arthur s’agace.

Morg_16- Es-tu, oui ou non, l’Enchanteur qui peut tout prédire, tout métamorphoser ?

- Je ne suis plus qu’un vieil homme ; j’ai perdu toute ma science par amour, dans les bras de Viviane ; mais je suis toujours ton ami et de sage conseil. Apprends le détachement, Arthur, détourne-toi des gloires éphémères et je t’offrirai un trône éternel, celui où tu régneras à jamais dans l’esprit des Bretons.

Le roi entend cette sagesse avec le cœur et l’âme. Il renonce à sa couronne, Morgane en est fort ravie. Sur l’île d’Avalon, depuis quinze siècles, Arthur attend et peut réapparaître un jour si la Bretagne l’appelle.

 

Arthur est un roi de légendes, et dans toute légende le mensonge est aussi fort que la vérité, la folie aussi belle que la raison.

Morgane, sa sœur, est l’une des belles immortelles du mensonge merveilleux, intarissable fontaine où puise tout roman.

 

Chacun de nous est le héros de sa vie.

À chacun son roman.

 

En barque, sur un étang du Pays de Galles, une petite fille lisait… Lisait.

Tout à coup elle se précipita à la proue et plongea tout habillée. Elle sait nager. Une main puis un bras surgirent de l’eau, elle refit surface en glougloutant, fut vite remontée à bord et tancée :

- Morgane, qu’est-ce qu’il t’arrive, tu es folle ou quoi ?

- Non, différente !

- Tu peux expliquer ton comportement ?

- Chacun est le héros de sa vie !

Elle riait et ses yeux étaient d’un étrange vert-doré-métal dans la lumière magique qui rasait l’étang. Parfois les petites filles sont aussi insondables que les fées.

Toutes les forces mystérieuses sont en nous et ce n’est pas folie de croire aux légendes des Bretons.


Guénane

 

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